La place du pharmacien dans la prévention du Syndrome du Bébé Secoué
La prévention du syndrome du bébé secoué concerne également les professionnels de santé. Nous pensons de suite aux pédiatres, sages femmes ou infirmières puéricultrices. Nous oublions que d’autres professionnels de santé ont aussi un rôle à jouer et veulent également lutter contre le SBS.
Je vous propose aujourd’hui de mettre à l’honneur Virginie, un pharmacien d’officine qui a décidé de prendre le syndrome du bébé secoué comme sujet de thèse. Voici l’intitulé : « Syndrome du bébé secoué : Rôle du pharmacien d’officine dans la mise en place d’actions de prévention »
Vous êtes pharmacien et souhaitez la contacter pour déployer ses outils, écrivez lui : dubos.virginie1@gmail.com
Peux tu te présenter?
Je m’appelle Virginie, j’ai 26 ans et je suis originaire du Nord de la France, près de Lille où j’ai réalisé mes études de pharmacie. A la fin de mon cursus, je suis venue m’installer à Montpellier et je travaille en tant que pharmacien adjointe dans un petit village proche de Montpellier. Je suis Docteur en pharmacie depuis fin 2021 après avoir soutenu ma Thèse d’exercice intitulée « Syndrome du bébé secoué : Rôle du pharmacien d’officine dans la mise en place d’actions de prévention »
Pourquoi choisir les études en pharmacie?
Le domaine de la santé est un milieu dans lequel j’ai toujours voulu travailler. Après avoir validé la PACES (Première Année Commune aux Etudes de Santé), j’ai intégré la 2e année de pharmacie. C’est une filière très vaste puisqu’il est possible d’exercer différents métiers en tant que pharmacien (officine, industrie ou internat). Pour ma part, je ne me suis pas posée de questions, j’ai choisi l’officine et c’était une évidence. A travers ce métier, ce sont plusieurs qualités qui m’ont plu, à savoir pouvoir être à la fois acteur de la santé, avoir cette connaissance des médicaments et des pathologies en étant aussi proche du patient, à son écoute. Le sens des responsabilités et les nouvelles missions en perpétuelle évolution me conviennent parfaitement.
As tu été confrontée aux SBS ? Quand ? Peux tu en dire plus ? As tu vu beaucoup de cas ? Qui en était l’auteur (quand c’est possible de le dire) ?
Dans le cadre de mes études, en 5e année, j’ai réalisé un de mes stages dans le service de réanimation pédiatrique à l’hôpital Jeanne de Flandre au CHU de Lille. Au sein de ce service est arrivé un petit garçon de quelques mois de vie, la cause était le « syndrome du bébé secoué », que je ne connaissais absolument pas. Lorsqu’à été expliqué comment le syndrome du bébé secoué se produisait, je n’ai pas compris pourquoi ni comment on pouvait en arriver là, trop naïvement surement. Je me suis alors intéressée à ce sujet un peu plus en détails pour essayer de comprendre ce geste, et l’envie de réaliser quelque chose contre cette forme de maltraitance a commencé à cogiter dans ma tête.
Durant mes 3 mois de stages, je n’ai pas compté le nombre de cas de SBS dans le service mais il y en aurait eu plusieurs, de l’ordre de 6–8 je pense.
Concernant les auteurs du secouement, il est difficile d’y répondre parce que nous n’avions pas toujours les informations mais je dirai que dans la grande majorité des cas il s’agissait de la famille, souvent le père ou le beau–père de l’enfant.
Pourquoi avoir choisi ce sujet pour ta thèse ?
Quelques temps plus tard, je me suis retrouvée en stage au Centre Antipoison de Lille où nous avions reçu un appel pour une brulure chez une petite fille au niveau des parties génitales, assez suspectes. Un sujet de thèse avait émergé à ce moment–là, et je souhaitais parler de la limite entre « accident domestique » et « maltraitance infantile ». J’ai donc pris contact avec l’un de mes professeurs de la faculté de pharmacie de Lille pour en discuter, Dr Anne Garat qui est devenue ma directrice de Thèse.
Nous nous sommes ensuite focalisées sur la maltraitance infantile d’un point de vue général (sujet déjà très vaste), puis, en discutant je lui ai évoqué ce que j’avais vu en réanimation pédiatrique, à savoir le SBS.
En commençant les recherches bibliographiques, j’ai découvert une association lilloise faisant de la prévention contre la maltraitance infantile et notamment le SBS qui s’appelle « Les maux – les mots pour le dire » en relation aussi avec le service de réanimation pédiatrique et le service de neurochirurgie pédiatrique.
J’ai ensuite contacté cette association qui a tout de suite adhéré à mon sujet de Thèse, la présidente de l’association Maitre Gobert et son Vice–président, Pr Vinchon m’ont accompagnée jusqu’à devenir membres de mon jury de Thèse en novembre dernier.
Quel en est l'objectif?
L’objectif initial de la Thèse était d’essayer d’informer le lecteur sur le SBS et notamment évoquer le SBS aux pharmaciens d’officine. Je souhaitais également montrer en quoi le pharmacien peut jouer un rôle majeur dans la prévention mais pour cela il a fallu trouver les clés pour qu’il puisse être acteur et présenter le SBS aux patients en ayant des connaissances sur la physiologie du bébé et les pleurs du nourrisson.
Ensuite, mon sujet de Thèse étant le « rôle du pharmacien d’officine dans la mise en place d’actions de prévention » nous avons souhaité réaliser 2 outils, l’un à destination des pharmaciens, l’autre à destination des patients, avec pour chacun d’entre eux, des informations adaptées à la compréhension du lecteur (que je présente quelques questions plus tard).
Que peut apporter le pharmacien dans la prévention du SBS ? Quel rôle a-t-il ? Quel est le niveau actuel de pharmacien faisant de la prévention ?
J’ai tout de suite été convaincue par le fait que le pharmacien soit un professionnel pertinent pour réaliser la prévention SBS. Tout d’abord, le pharmacien est un professionnel de santé, avec un contact étroit et intime avec les patients. Ce lien de proximité et de confiance est propice au partage des connaissances et à la mise en place d’un sujet de prévention.
De plus, le pharmacien côtoie tous types de patients, des jeunes adultes, des parents, des grands–parents mais également des assistantes maternelles ou des professionnels de la petite enfance en général. Tous les milieux socio–économiques et culturels sont représentés dans une officine, et d’ailleurs ce sont tous les publics qui doivent être concernés par la prévention bébé secoué.
Les pharmaciens peuvent aussi mettre en place des actions « ponctuelles » comme le « mois sans tabac » où des flyers peuvent être distribués par le pharmacien qui fait de la prévention, ou « octobre rose » pour la prévention du cancer du sein.
Je pense que le nombre de pharmaciens qui connaissent le SBS est très faible, je n’ai d’ailleurs pas trouvé d’articles lors de ma recherches bibliographiques pour ma Thèse. Rien n’avait été fait auparavant. Or, je pense que la prévention bébé secoué peut rentrer dans les nouvelles missions du pharmacien, mais pour cela il faut leur donner les informations notamment lors des études en faculté, directement aux étudiants en pharmacie.
Quelles sont les outils que tu proposes et comment le pharmacien doit-il les utiliser ?
J’ai choisi de réaliser 2 outils, l’un à destination des patients, l’autre pour les pharmaciens.
J’ai voulu séparer les 2 outils car les informations données ne sont pas dites de la même manière pour les professionnels ou pour la population générale.
L’outil destiné aux pharmaciens explique tout d’abord ce qu’est le SBS avec des termes forts comme « maltraitance grave », « secoué violemment ». Ensuite, sont évoquées les circonstances de survenue du SBS, à savoir en grande majorité les pleurs du bébé, (la courbe des pleurs est d’ailleurs insérée). Le mécanisme du secouement est aussi représenté pour en comprendre les effets. Ensuite, j’ai rappelé les signes d’alerte pouvant être observés au comptoir, notamment la négligence, les atteintes corporelles suspectes.
Pour donner les clés au pharmacien et lui donner le pouvoir d’agir, j’ai décidé de diffuser quelques numéros d’aide et d’urgence comme le 15 (SAMU), le 119 (Enfance en danger) ou le numéro de soutien à la parentalité.
Pour informer les pharmaciens sur l’association qui m’a aidée dans la Thèse, j’ai inséré le QR code de l’association « Les maux– les mots pour le dire » ainsi que le « Guide du SBS » du Pr Vinchon.


Support prévention à la destination des patients
J’aimerai rester à disposition des pharmaciens s’ils ont des questions concernant ces outils. Il faudrait qu’ils s’imprègnent du sujet et des outils mis à leur disposition pour pouvoir ensuite en parler aux patients. Je pense qu’il faut déjà que ce sujet soit clair pour eux–mêmes avant de faire de la prévention au comptoir.
J’ai contacté quelques associations notamment « Stop Bébé Secoué » qui a d’ailleurs relayé mon travail. Et je partage aussi ma thèse et mes outils sur mon compte Instagram.
Quels conseils donnes-tu aux pharmaciens qui veulent faire de la prévention SBS ?
Je pense que notre métier étant en perpétuelle évolution concernant les nouvelles missions du pharmacien (on le voit bien avec des choses qui nous étaient il y a quelques années inconnues comme la vaccination, ou les tests antigéniques). Le pharmacien est toujours disponible pour réaliser de nouvelles missions et élargir son domaine de compétences. Je pense que ça peut être un sujet qui pourrait intéresser la profession.
En revanche, je pense qu’il est primordial de bien leur expliquer ce qu’est le SBS, les patients à cibler (tous +++), parents, assistantes maternelles, professionnels de la santé etc… Les pharmaciens doivent avant tout s’informer et se former sur le sujet pour être aptes à aborder ce sujet de prévention avec les différents patients, avec précision sans les faire culpabiliser (lien vers la thèse).
As tu identifié des difficultés dans l’application de la prévention ? Pourquoi ? Que proposes tu?
Pour créer les outils de prévention, Il a été difficile d’expliquer le problème sans être trop violent dans les propos mais ne pas non plus minimiser ce geste. C’est pourquoi j’ai choisi de séparer les 2 outils pharmacien / patient.
La mise en place de la diffusion des outils de prévention n’est pas simple, surtout quand on part de zéro. J’ai tout de même eu la chance de pouvoir être accompagnée par une association qui a de l’impact sur la prévention du bébé secoué.
Il me reste encore à essayer de convaincre les pharmaciens pour qu’à leur tour ils présentent le SBS à leurs patients. Ensuite j’aimerai prendre contact avec les facultés (Lille ou Montpellier) pour éventuellement venir faire une présentation du SBS aux étudiants en pharmacie.
Le fait d’en parler est déjà une petite victoire. Je participe notamment à la journée de prévention du SBS à Lille, organisée par l’association « les maux les mots pour le dire ». Le sujet de la journée est « les outils de prévention », sujet qui colle parfaitement à mon sujet de thèse. Je présenterai les outils et les projets avec ma directrice de thèse Dr Garat.
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